Le diabète réduit considérablement la capacité du rein à se « nettoyer », conclut cette équipe de l'Université Augusta (Géorgie) et précisément, bloque le processus et la voie de l'autophagie, un processus présent dans tout notre corps et nos organes, qui permet l’élimination des déchets cellulaires. Ces travaux, publiés dans le Journal of Clinical Investigation, contribuent à expliquer la vulnérabilité rénale dans le diabète, qui aboutit, dans de nombreux cas à la maladie rénale chronique.
Au cours du processus d’autophagie, les débris de notre organisme, comme les protéines mal repliées et les mitochondries endommagées, sont emballés dans une double membrane, puis détruits par des enzymes. Ce processus contribue ainsi à maintenir les cellules et les organes en bon état de marche. En temps normal, le processus d’autophagie a tendance à se renforcer, en cas de maladies comme le diabète, mais ces scientifiques américains viennent d’identifier une voie qui, a contrario, freine rapidement l'autophagie.
Une nouvelle voie de développement de la maladie rénale : une nouvelle cible thérapeutique
Cette voie qui conduit au dysfonctionnement de l'autophagie et à la maladie rénale chronique explique l'incidence et la prévalence élevées de l’insuffisance rénale diabétique, la principale cause de maladie rénale chronique et d'insuffisance rénale, selon les Centers for Disease Control and Prevention (CDC). L‘auteur principal, le Dr Dong, biologiste cellulaire à l'Université Augusta ajoute que l’identification de cette voie suggère aussi une nouvelle cible thérapeutique pour prévenir ou ralentir la progression de l'insuffisance rénale.
Que se passe-t-il en cas de diabète ? Au début du développement du diabète, les niveaux d'autophagie augmentent, normalement, en réponse au stress du diabète, mais ensuite se mettent à diminuer rapidement car une protéine connue sous le nom de suppresseur de tumeur (p53) active un microARN (miR-214 ) qui perturbe la régulation de l'autophagie (via la voie ULK1, l'un des premiers gènes identifiés comme impliqué dans la régulation de cette fonction métabolique vitale). S’en suit une inflammation chronique et la diffusion de protéines toxiques dans l'urine. C’est le signe de la maladie rénale. Chez les animaux et les humains diabétiques, ou encore in vitro, les scientifiques identifient ainsi une activité plus élevée de p53 et miR-214 avec un niveau d’autophagie réduit.
- Si chez un modèle murin de diabète de type 1, âgé de 9 semaines seulement, il n'y a pas encore de différence dans le biomarqueur d'autophagie vs témoins sains, 2 semaines plus tard, ce biomarqueur commence à faiblir. Ces souris diabétiques présentent des reins hypertrophiés et des signes d’inflammation et de lésions des tubules rénaux. À 20 semaines, des protéines toxiques sont identifiées dans l'urine, associées à une insuffisance rénale ;
- in vitro, des cellules rénales incubées dans un contexte de concentration élevée de glucose élevé suivent également cette augmentation initiale d’autophagie, puis à peine un jour plus tard, l'autophagie dimunue progressivement ;
- Enfin, chez l’Homme : la comparaison de biopsies de reins de patients diabétiques vs sains montre que si aucyun échantillon de patient en bonne santé ne présente des traces de p53, le suppresseur de tumeur est présent dans 15 des 20 biopsies de patients atteints de diabète et à différents stades de problèmes rénaux. Des résultats similaires sont obtenus concernant miR-214. Des reins en bonne santé présentent des niveaux d’expression élevés d'ULk1 comme ils le devraient, et ce gène d'autophagie de première ligne fait défaut dans les biopsies de reins de patients diabétiques.
Ces travaux identifient donc une voie de signalisation qui mène, en cas de diabète, à l'hypertrophie, à la mort cellulaire et à l'inflammation, et qui conduit finalement à l’insuffisance rénale. En interférant avec cette voie, il serait possible de ralentir la progression vers la maladie rénale, caractéristique du diabète.
« Les reins des personnes en bonne santé ont tendance à se rétablir avec des soins appropriés, tandis que les personnes à comorbidités qui affectent les reins, comme l'hypertension et le diabète, ou qui ont tout simplement plus de 75 ans, peuvent souffrir d’insuffisance rénale, une maladie qui nécessite une dialyse ou une greffe d'organe. On savait que l'autophagie est protectrice, il devient peut-être possible d’envisager de la relancer ».
Source: The Journal of Clinical Investigation August 17, 2020 DOI : 10.1172/JCI135536 p53/microRNA-214/ULK1 axis impairs renal tubular autophagy in diabetic kidney disease
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