Cette étude des horloges internes apporte de nouvelles preuves des effets néfastes d’une activité décalée par rapport au cycle jour-nuit, sur le poids corporel et le risque de diabète. L’incidence objectivement plus élevée des troubles métaboliques chez les personnes qui travaillent de nuit ou par quarts, trouve ici son explication moléculaire dans le cerveau de souris dont le cycle circadien a été raccourci de 24 à 21 heures : en cas de régime riche, les souris aussi prennent plus de poids et ont une glycémie plus élevée et un foie plus gras. Mais lorsque leur journée de 21 heures est restructurée autour d’une période de veille de 10,5 heures et de sommeil de 10,5 heures, ces souris au cycle raccourci retrouvent un équilibre métabolique.
Une piste intéressante aussi pour les humains, suggèrent ces chercheurs de l'Université de Pennsylvanie, dans la revue Science Advances : ajuster les différentes activités de la journée pour qu'elles correspondent à l'horloge interne « revisitée ».
« Lorsque le monde extérieur ne correspond pas aux cycles internes du corps, le métabolisme en paie le prix », résume l'auteur principal, le Dr Mitchell A. Lazar, directeur du Penn Medicine’s Institute for Diabetes, Obesity, and Metabolism. Son équipe explore ici la théorie de la désynchronisation circadienne qui postule qu’une perturbation ou une altération de l'horloge interne conduit à de mauvais résultats de santé mais qu'un recalage des activités de la journée sur la « nouvelle » horloge interne permet d'éliminer une partie du risque métabolique.
Les effets néfastes du décalage et les effets bénéfiques du recadrage
Les effets néfastes sont vrais aussi chez la souris : des souris privées de protéines REV-ERB, qui participent à la régulation de l'horloge interne du corps sur la base de cycles de 24 heures voient leurs cycles circadiens réduits d'environ 3 heures, tel qu’évalué sur la base de leur rythme de sommeil/éveil. Lorsque certaines de ces souris pourtant dotées d’un cycle réduit à 21 heures, sont maintenues sur un cycle de 24 heures et nourries avec régime plus riche en graisses et en sucre, prennent plus de poids et développent l’équivalent de troubles métaboliques. Jusque-là, rien de très surprenant : l'horloge interne des souris privées de REV-ERB se retrouve en contradiction avec le cycle de 24 heures, ce qui entraîne un stress métabolique.
Mais le décalage peut être corrigé : lorsque les chercheurs calent la « journée » de ces souris avec des cycles de lumière et d'obscurité de 10,5 heures pour correspondre à leur nouvelle horloge interne de 21 heures, ces souris aux horloges modifiées ne sont plus aussi vulnérables aux effets néfastes d'une alimentation trop riche. En d’autres termes, recaler leur journée réelle, leur activité et leur sommeil, sur leur nouveau cycle circadien, efface la modification du cycle et les effets du décalage. Une fois l'horloge interne et le cycle jour-nuit alignés, le métabolisme retrouve un équilibre.
Quelles implications chez l’Homme ? Aménager les activités de la journée pour mieux les adapter au cycle imposé -celui du travailleur posté, par exemple- pourrait permettre de réduire les effets néfastes d’une horloge déréglée.
- Les horaires des repas notamment devraient être repensés pour mieux correspondre aux périodes d’activité,
- les repas allégés lorsqu'ils précèdent le coucher.
- L'exposition à la lumière pourrait aussi être repensée.
C’est une première étape dans la réflexion et le développement d’interventions possibles et réalisables en pratique, et il reste à replanifier des journées types pour les personnes aux horaires décalés. Cela passe aussi par l'identification de biomarqueurs susceptibles d'être facilement testés qui permettraient de préciser le fonctionnement individuel de l'horloge interne, pour chaque personne concernée.
Source: Science Advances 27-Oct-2021 DOI: 10.1126/sciadv.abh2007 REV-ERB nuclear receptors in the suprachiasmatic nucleus control circadian period and restrict diet-induced obesity
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